La philosophie de la terre brulé.

Depuis la nuit des temps, les femmes et les hommes politiques ont toujours voulu prendre la place de leurs aînés, mais ne devient pas chef qui veut, car il est compliqué d’entraîner les foules. Alors que je commence une tribune arrivent deux nouvelles qui vont changer un peu le paysage français. J’ai l’impression que quelque chose d’incroyable vient d’arriver, Jean d’Ormesson puis Johnny Halliday sont partis pour rejoindre chacun d’eux, leurs illustres prédécesseurs. Les témoignages se succèdent et pour une fois, même s’ils sont dithyrambiques, je suis en accord avec toutes ces manifestations d’amour. Comment penser que nous perdons un peu de ce qui nous paraissait improbable il y a encore quelques jours, des monuments de notre culture partent ensemble.

Aujourd’hui, alors que j’assiste pour le deuxième jour de suite à des obsèques de personnalités qui avaient chacune dans leurs actions et activités, écriture ou musique, apporté à la France un peu de notoriété à travers la planète sur la grandeur de notre pays. Je suis étonné des soubresauts de l’histoire, car ce type de départ a déjà eu lieu à Paris, il y a 54 ans, Édith Piaf et Jean Cocteau sont morts à quelques heures d’écart, avec les mêmes scènes de désespoir de fans ou de lecteurs, touchés au plus profond de leurs corps par ces deux personnalités.

J’imagine, que jamais en 1963, Jean et Johnny ne pensaient faire les mêmes effets qu’Édith et Jean et pourtant nous venons d’assister à des regroupements de foule en pleure, à des crises de découragement ou de désarrois devant ces départs. Si un dieu existe comment ne pas penser qu’il recherche à faire venir à lui deux personnalités adulées en même temps, comme pour passer du temps avec ces artistes, rien que pour lui, nous laissant leurs œuvres pour nous consoler, car ne nous partons pas, ce n’est qu’avec nos corps nus que nous faisons ce qui est appelé le grand voyage, le reste est pour l’éternité, ici-bas. Nous ne serons jamais s’ils ont fait le voyage ensemble, mais après tout je l’espère, je suis persuadé qu’ils ont des choses à se dire et que le voyage sera effervescent, fait d’intellectualité, de mots et de musique, ne nous trompons pas l’un et l’autre avait l’intelligence de leur art et une vraie capacité à entraîner, même s’ils étaient de façon différente brocardée par les humoristes.

Ce qui est étonnant dans ces deux cérémonies, l’une emprunt de solennité, académicien et littérature oblige, l’autre populaire à son image. Elles ont apporté le même temps de recueillement et la même volonté d’amitié et d’amour pour ce qu’ils ont été et non pour ce qu’ils ont créé et je crois que c’est à ça que ressemble la réussite d’une vie.

Chacun d’en nous avons durant ces plus de cinquante ans, croisés d’une façon ou d’une autre leurs chemins. Ils nous ont laissé des discussions, des musiques, des soirées, sans jamais nous lasser. Les esprits chagrins nous diront que c’est trop, mais rien n’est de trop pour qui vous a donné un peu de joie. Moi qui les ai rencontrés, au moins une fois, je peux vous le dire, ils étaient l’un et l’autre plutôt modestes, sans jamais vous faire ressentir une supériorité de quelque façon que ce soit, je crois que c’est ça la vraie grandeur, dont certain de nos hommes importants manquent dans bien des cas.
Je crois que jamais l’impression de terre brûlée n’a été aussi vrai qu’aujourd’hui, en voyant ces dizaines de milliers de gens sur les bords de route pour dire au revoir et pleurer, même si je crois que demain est un autre jour et que nous aurons encore beaucoup d’idoles à applaudir, à lire, à écouter et à aimer.

Philippe Sallanche
2017

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